Partager |
Ah ! se faire sucer par une ventriloque !
Et tandis qu'elle aurait ma pine entre les dents
Entendre de son ventre sortir un soliloque
Et des chansons d'amour aux distiques ardents !
 
Et tandis que sa lèvre humerait mon prépuce
Que sa langue agirait sur mon gland avec art,
Écouter l'estomac distiller l'hymne russe,
Et croire que je suis pour un instant le Tzar.
 
Et comme il serait doux pour une âme française,
Au lieu de se pâmer en un coït banal,
D'écouter l'estomac chanter la Marseillaise
Et s'éjouir aux sons du chant national.
 
Ainsi les raffinés dans Rome et dans Athènes
Artistes délicats en leurs amusements,
Faisaient l'amour aux sons des musiques lointaines
Et cadençaient leurs coups au son des instruments.
 
Trop pauvre pour pouvoir me payer des tsiganes,
Ou même pour m'offrir un simple accordéon,
Je vais chercher partout, parmi les courtisanes,
Celles qui dans le ventre ont tout un orphéon.
 
Mais n'ayant rencontré dans ce monde équivoque
Que des femmes faisant l'amour bourgeoisement,
Et n'ayant point encor trouvé la ventriloque
Qui saura me sucer harmonieusement.
 
Afin de contenter le désir qui m'affole
Et de me donner un peu d'illusion,
Au risque d'attraper une bonne vérole,
Ou d'en sortir couvert d'un tas de morpions.
 
Depuis le jour de l'an jusqu'à la Saint-Sylvestre,
Je cours obstinément les spectacles forains,
Où triomphalement j'encule l'homme-orchestre,
En battant la mesure avec des coups de reins !
in Treize sonnets du doigt dedans (1885)