Partager |
Je rêve je te vois superposée indéfiniment à toi-même
Tu es assise sur le haut tabouret de corail
Devant ton miroir toujours à son premier quartier
Deux doigts sur l'aile d'eau du peigne
Et en même temps
Tu reviens de voyage tu t'attardes la dernière dans la grotte
Ruisselante d'éclairs
Tu ne me reconnais pas
Tu es étendue sur le lit tu t'éveilles ou tu t'endors
Tu es nue la balle de sureau rebondit encore
Mille balles de sureau bourdonnent au-dessus de toi
Si légères qu'à chaque instant ignorées de toi
Ton souffle ton sang sauvés de la folle jonglerie de l'air
Tu traverses la rue les voitures lancées sur toi ne sont plus que leur ombre
Et la même
Enfant
Prise dans un soufflet de paillettes
Tu sautes à la corde
Assez longtemps pour qu'apparaisse au haut de l'escalier invisible
Le seul papillon vert qui hante les sommets de l'Asie
Je caresse tout ce qui fut toi
Dans tout ce qui doit l'être encore
J'écoute siffler mélodieusement
Tes bras innombrables
Serpent unique dans tous les arbres
Tes bras au centre desquels tourne le cristal de la rose des vents
Ma fontaine vivante de Sivas
© André Breton
in L'air de l'eau (Les Cahiers d’art, 1934)