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Pour l'amoureuse d'elle-même...

Marcel Béalu
Pour l'amoureuse d'elle-même un doigt suffit à secréter la bave odoriférante entre les lèvres humides. Au creux des vallons bordés d'étangs blonds souffle le vent fou des équinoxes. Concert des grelots dans le port où s'entrechoquent les barques des vacances. Transhumances. Dans la grotte qu'ont désertée les douze sirènes la langue de la morte-eau lèche un visage de charbon mou aux yeux exorbités. D'un désir monstrueux  l'inguérissable fièvre soulève au-dessus des flots  phosphorescents, au-dessus des grèves où s'éparpille l'armée des murex, la femme au sexe ouvert devenue la proie des tentations tentaculaires. Proie peureuse au voile d'écume que rassure à peine la plainte lointaine d'un goéland, souvenir des rivages déchiquetés où, sur une plage de galets translucides, remuent laborieusement, l'une sur l'autre, les tortues antédiluviennes.
© Marcel Béalu
in Erreros (1983) - XIX