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Grande fille adorable et scythe
Quand tu te présentais hier
Chez un vainqueur vieux de ton choix
Pour te rendre à sa discrétion
N'étais-ce pas avec le secret voeu
Qu'on t'oblige à t'y dévétir
En dérision de ta pudeur
Qu'on t'agenouille toute nue
Mains jointes derrière la nuque
Qu'on te lie et te batte un peu
Et qu'on t'expose au pilon
Dans le plus intime abandon
Pour te voir et te vexer mieux
Et pour t'administrer le fouet
Sur les seins le ventre les cuisses
Puis après t'avoir souffletée
Selon la règle impitoyable
Après avoir ouvert ta bouche
Pour goûter ta langue docile
À l'ordre d'être caressante
Qu'on te jette sur un grand lit
Au fond d'une alcôve à la turque
Dont les rideaux t'enfermeraient
Comme les murs d'une cellule
Qu'on te traite en victime là
Qu'on te fasse et te fasse faire
Tout ce que tu voulais toi-même
Faire et être forcée à faire
Dans une soumission violente
Qui te sacrerait de nouveau
Souveraine entre les captives
Modèle parmi les amantes
Sainte vouée au doux martyre
Princesse blonde au bleu des cieux.

Nota : Scythe est le nom d'un ancien peuple eurasien nomade.
© André Pieyre Mandiargues
Poème inédit, reproduit dans Écriture ineffable (Ed. Gallimard, 2009 - p. 374)