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Les wagons longs de lit

Serge Rezvani

Il m' regardait
J' me détournais
Il m' souriait
J' m'en empêchais
Et il m'a dit en se penchant
"La fumée, s'il vous plaît, est-ce qu' ça vous déplaît ?
Vous fumez ? Permettez ! Alors, c'est parfait
Voulez-vous mes journaux car le temps est long ?
Pour le tuer, parlons donc, wagons longs de lit"

On s'est connus dans le wagon de lit de long
Le wagon long, le wagon long de nuit
Du Paris – Lyon – Marseille - Menton qui file de nuit
Et nous emporte vers l'Italie

On s'est souri
Dans les sanglots de lit de long, les sanglots longs
Du wagon long de nuit
Et il m'a dit au creux d' l'oreille
"Dites-moi tu, dis-moi toi, j' vous dirai pareil
À quoi bon nos prénoms
Appelez-moi chéri
Appelle-moi mon amour
On s'connaît à peine
Qu'on s' dise vous, qu'on s' dise tu
Qu'importe, pour une nuit ?"

Dans le wagon de lit de long, passé minuit
On s'est aimé, aimé à la folie
Le Paris – Lyon – Marseille – Menton toute la nuit
Nous emportait vers l'Italie

On s'est aimé dans les sanglots de lit de long
Les sanglots longs des wagons longs de nuit
Et je lui dis au creux d' l'oreille
"Être à tu, être à toi, être vous et moi
Quand on n' se connaît pas
À tu et à toi
Savez-vous, sais-tu bien, qu' j' suis follement émue
D'être à vous, d'être à tu, d'être dans vos bras"

Le lendemain, il m'a souri "Adieu chérie
J' descends ici
J' te quitte à Vintimille"
Le Paris – Lyon – Marseille - Menton de lit de long
De long de lit m'a emportée, nous séparant
Vers le soleil à tout jamais

Bien loin, bien loin, vers l'Italie

 

+ Audio (youtube) de Ignatus (2004)

© Serge Rezvani
in Jeanne Moreau chante Cyrus Bassiak (1966)