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Laisse que je dispose de ton corps. Ferme les yeux. Oublie tout ce qui n’est pas (tel est le point capital). Laisse donc que mes mains disposent de ton corps, le suivent, le préparent dans ses profondeurs de par le contentement et l’appel de sa surface. Comme si je le formais et déduisais de place en place de la suite de ses formes. Ainsi je te fais connaître tes propres parties et leurs dépendances.
Je te lisse, je t’enveloppe, je te presse.
Je t’applique une vie ici et là une douceur te couvre comme une ombre
Une caresse qui (contient) l’ombre d’une force et parfois la prononce, et parfois s’allège et te fuit le long de toi si frôlée que ta chair se hérisse et se dresse vers la paume chargée de vit, etc. Je fais naître une attente de prodiges.
Je te formerai. Je te fermerai toute comme dans une immense main. Tu es prise dans ce que tu veux et que je fais vouloir --- comme tu me fais vouloir ce vouloir.
Maintenant, tu es faite. Et je te connais, je te vois comme en transparence. Que de ressources tu te sens que tu ignorais.
Je te transforme. L’Intelligence passe sur toi.
© Paul Valéry
in Paul Valéry et Jean Voilier au château de Béduer, 1945
Ce texte est une ébauche restée à l’état de manuscrit (collection Mireille Fellous-Loviton)