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Sur une gravure d'Augustin Carrache

Gilbert Lely
carracci

 


- Quels sont ces deux amants ? - Non loin du Phlégéton,
Elle, c'est Proserpine, indécemment requise ;
Lui, le dieu des enfers. Ah, l'ignorant garçon !
Ce n'est la Proserpine et rien moins que Pluton :
C'est Didon de Carthage avec le fils d'Anchise,
Qui d'amour enivré touche sa vulve exquise.
- Muse, pardonne-moi : ces rocs, ce noir décor,
Tout me semblait annoncer les antres de la mort.
Au nom du seul désir, qu'importe ma bévue ?
Proserpine ou Didon, la fente que j'ai vue
Suffit à m'embraser par son dessin flateur.
Daigne me la livrer en un songe enchanteur,
Et je la forcerai d'un membre si rigide
Qu'Enée en pâlira dedans son Enéide.

*

Autre version :

Hé ! Pluton, que fais-tu de cette Proserpine ?
C'est raillerie un doigt lorsqu'il faut une pine !
Grâce au fils de Vénus qui lève son flambeau,
Je vois, non sans désir, qu'elle a le con fort beau.
Or çà ! dieu des Enfers, couronne ton audace,
Ou tremble qu'à l'instant je ne prenne ta place.
"La luxure t'égare, insensé !" me dit-on
Ce n'est pas la Proserpine et rien moins que Pluton :
C'est Didon de Carthage avec le fils d'Anchise,
Qui d'amour enivré branle sa vulve exquise.
Proche est le dénouement : ces rocs, ce noir décor,
Tout me semblait annoncer les antres de la Mort.
Muse, pardonne-moi : qu'importe ma bévue ?
Proserpine ou Didon, la motte que j'ai vue
Suffit à m'embraser par son dessin flateur.
Daigne me la livrer en un songe enchanteur,
Je la percerai d'un membre si rigide
Qu'Enée en pâlira dedans son Enéide.

© Gilbert Lely

- textes : cités in Poésies complètes (Tome III  - Ed. Mercure de France, 2000) - p. 155 et 263

- illustration : gravure de Jacques Joseph Coing (1761-1809) exécutée d'après celle d'Agostino Carracci (1557-1602)