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Les soeurs incestueuses

Pierre Louÿs

Les mêmes cheveux bruns emmêlés et la même
Bouche, et les mêmes yeux châtains. Ce sont deux soeurs.
Au fond des longs draps glacés, leurs ventres suceurs
Se cherchent, et les baisers chuchotent : Je t'aime.

Les mains suivent les flancs marqués par le corset,
Creusent les reins, se crispent aux fesses, reviennent
Aux épaules, dont les danseuses se souviennent,
Puis aux seins qu'un busc* obscène et cruel corsait.

Le regard fureteur le long du corps s'occupe
A connaître la peau honteuse que la jupe
Cache le jour, comme un ciboire** sous le lin,

Et ces deux corps, issus d'un même corps de mère,
S'unissent avec un enlacement câlin,
Par leurs sexes brûlants, frangés d'écume amère.

* lame d'acier placée dans le corset pour donner de la rigidité
** vase à hosties

 

Sur le même thème : Les deux soeurs ou le cas de conscience (Béranger)

1891