Partager |

Baisons-nous, belle...

Claude Binet
Baisons-nous, belle, mon souci,
Et surpassons la Coulombelle ;
Comme elle tremousse de l'aile,
Tremoussons de nos bras ainsi.

Comme elle poursuit un baiser
Du bec que souvent elle darde,
Notre langue, ainsi fretillarde,
Puisse nos flammes appaiser.

Comme d'un oeil à demi clos,
L'aise de son plaisir avance,
Ainsi, pour semblable espérance,
Par l'oeil rendez l'amour éclos.

Fermez vos deux yeux à demi,
Et contrefaitte un peu la louche,
Puis, en approchant votre bouche,
Dites : "Baisez-moi, mon ami !"

Ca, ces deux lèvres ! Ca, ce ris !
Ca, cette languette gloutonne,
Qui se courbe en faux, et moissonne
Toute la fleur de mes esprits.

Après cela, recommençons
A nous baiser d'une autre sorte :
Si vous contrefaite la morte,
Je mourrai de même façon.

Belle, votre haleine qui sort
Aussitôt me rendre la vie,
Mais moi, poussé de même envie,
J'userais d'un moyen plus fort.

Lors, d'une begayante voix
Direz : "Vous m'avez réveillée !"
Et poursuivrez cette accolée
Avec l'étreinte de vos doigts...

Heureux si, loin de tout danger
Nous pouvons, par tel artifice,
Changer tous les jours d'exercice,
Et un court plaisir allonger !
Cité in La poésie érotique - Anthologie de Marcel Béalu (Ed. Seghers, 1974 - p.84)