À Etienne D..., magistrat.
Pendant que je suis là sur mon lit, seul et nu,
Tendant les mains à l'inconnu ;
Cherchant dans l'ombre épaisse une forme vivante
Pour l'étreindre de mes deux bras ;
Inventant tout ce que la solitude invente
Pour se dédoubler dans les draps ;
Pendant que le sang bout dans tes nobles artères,
Sceptre rutilant de mes pères ;
Pendant que je te tiens, raidi, gonflé, tendu,
Sous l'édredon que tu soulèves ;
Pendant que je m'épuise à noyer ma vertu
Dans l'humidité de mes rêves.
Pendant que je me tords sur mon axe viril
Comme Saint Laurent sur son gril
- Ô femme ! Qui dira la foule involontaire
Des pucelles qu'on fait moisir ?
Qui dira les doigts blancs dont l'effort solitaire
Gratte l'écorse du plaisir ?
À vous ! Je songe à vous, chastes filles du monde
Que nul ne titille ou ne sonde ;
Clitoris sans amour des vierges par devoir,
Muqueuses en rut, coeurs en peine,
C'est pour vous que j'agite et que je fais pleuvoir
Ce qui vous manque et qui me gêne.
Car j'ai votre idéal, si vous avez le mien !
Venez, prenez : c'est votre bien.
Vous pour moi, moi pour vous ; qu'on aime et qu'on se serre,
libre échange ! Secours mutuel !
Ah, venez ! Unissons notre double misère :
Nos deux enfers feront un ciel.
Au festin de l'amour nous ferons table rase.
J'ai la liqueur et vous le vase...
Vous tendez votre coupe à mes deux échassons.
Moi généreux et vous avides :
Fête longue et vins chauds ! À nos santés, versons
Mon trop plein dans votre trop vide !
Pendant que je suis là sur mon lit, seul et nu,
Tendant les mains à l'inconnu ;
Cherchant dans l'ombre épaisse une forme vivante
Pour l'étreindre de mes deux bras ;
Inventant tout ce que la solitude invente
Pour se dédoubler dans les draps ;
Pendant que le sang bout dans tes nobles artères,
Sceptre rutilant de mes pères ;
Pendant que je te tiens, raidi, gonflé, tendu,
Sous l'édredon que tu soulèves ;
Pendant que je m'épuise à noyer ma vertu
Dans l'humidité de mes rêves.
Pendant que je me tords sur mon axe viril
Comme Saint Laurent sur son gril
- Ô femme ! Qui dira la foule involontaire
Des pucelles qu'on fait moisir ?
Qui dira les doigts blancs dont l'effort solitaire
Gratte l'écorse du plaisir ?
À vous ! Je songe à vous, chastes filles du monde
Que nul ne titille ou ne sonde ;
Clitoris sans amour des vierges par devoir,
Muqueuses en rut, coeurs en peine,
C'est pour vous que j'agite et que je fais pleuvoir
Ce qui vous manque et qui me gêne.
Car j'ai votre idéal, si vous avez le mien !
Venez, prenez : c'est votre bien.
Vous pour moi, moi pour vous ; qu'on aime et qu'on se serre,
libre échange ! Secours mutuel !
Ah, venez ! Unissons notre double misère :
Nos deux enfers feront un ciel.
Au festin de l'amour nous ferons table rase.
J'ai la liqueur et vous le vase...
Vous tendez votre coupe à mes deux échassons.
Moi généreux et vous avides :
Fête longue et vins chauds ! À nos santés, versons
Mon trop plein dans votre trop vide !
in La Légende des sexes - Poèmes hystériques (1883)