Lorsque Julie est nue et s'apprête au plaisir,
Ayant jeté la rose où s'amusait sa bouche,
On ne voit dans ses yeux ni honte ni désir;
L'attente ne la rend ni tendre ni farouche.
Sur son lit où le drap mêle sa fraîche odeur
Au parfum doux et chaud de sa chair savoureuse,
En silence, elle étend sa patiente ardeur
Et son oisive main couvre sa toison creuse.
Elle prépare ainsi sans curiosité
Pour l'instant du baiser sa gorge et son visage,
Car, fleur trop tôt cueillie et fruit trop tôt goûté,
Julie aux yeux d'enfant est jeune et n'est plus sage
Sa chambre aux murs savants lui montre en ses miroirs
Elle-même partout répétée autour d'elle
Ainsi qu'en d'autres lits, elle s'est, d'autres soirs,
Offerte, indifférente, en sa grâce infidèle.
Mais lorsqu'entre ses bras on la serre et l'étreint,
La caresse importune en son esprit n'éveille
Que l'écho monotone, ennuyeux et lointain
De quelque autre caresse, à celle-là pareille;
C'est pourquoi, sans tendresse, hélas ! et sans désir,
Sur ce lit insipide où sa beauté la couche
Elle songe à la mort et s'apprête au plaisir,
Lasse d'être ce corps, ces membres, cette bouche...
Et pourquoi, ô Julie, ayant goûté ta chair,
De ta jeunesse vaine et stérile on emporte
Un morne souvenir de ton baiser amer,
Julie aux yeux d'enfant, qui voudrais être morte !
Ayant jeté la rose où s'amusait sa bouche,
On ne voit dans ses yeux ni honte ni désir;
L'attente ne la rend ni tendre ni farouche.
Sur son lit où le drap mêle sa fraîche odeur
Au parfum doux et chaud de sa chair savoureuse,
En silence, elle étend sa patiente ardeur
Et son oisive main couvre sa toison creuse.
Elle prépare ainsi sans curiosité
Pour l'instant du baiser sa gorge et son visage,
Car, fleur trop tôt cueillie et fruit trop tôt goûté,
Julie aux yeux d'enfant est jeune et n'est plus sage
Sa chambre aux murs savants lui montre en ses miroirs
Elle-même partout répétée autour d'elle
Ainsi qu'en d'autres lits, elle s'est, d'autres soirs,
Offerte, indifférente, en sa grâce infidèle.
Mais lorsqu'entre ses bras on la serre et l'étreint,
La caresse importune en son esprit n'éveille
Que l'écho monotone, ennuyeux et lointain
De quelque autre caresse, à celle-là pareille;
C'est pourquoi, sans tendresse, hélas ! et sans désir,
Sur ce lit insipide où sa beauté la couche
Elle songe à la mort et s'apprête au plaisir,
Lasse d'être ce corps, ces membres, cette bouche...
Et pourquoi, ô Julie, ayant goûté ta chair,
De ta jeunesse vaine et stérile on emporte
Un morne souvenir de ton baiser amer,
Julie aux yeux d'enfant, qui voudrais être morte !
© Henri Régnier
in Le miroir des heures (1906-1910) - Section "Sept estampes amoureuses"
Ed. Mercure De France, 1921 - p.155
in Le miroir des heures (1906-1910) - Section "Sept estampes amoureuses"
Ed. Mercure De France, 1921 - p.155