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(...)

J'ai dit : "Bah ! comme des fous
Allons tout droit devant nous,
Pour voir si vos fruits sont doux.

Je voudrais goûter, les unes
Après les autres, vos prunes.
Qu'elles soient blondes ou brunes.

Et si vous ne m'empêchez,
En dépouillant vos pêchers
Je ferai de gros pèchés.

Même, si mon espoir ose,
Je pourrai cueillir la rosé
Que votre main blanche arrose. "

Alors tu cédas. Alors
Tu m'abandonnas ton corps.
Ton jardin plein de trésors,

Ces fruits dont l'odeur allèche,
Ces beaux fruits que l'été lèche
Et mûrit a coups de flèche,

Ces fruits fermes, savoureux,
Que mes désirs amoureux
Savaient être faits pour eux,

Ces fruits d'or et d'émeraude
Sur lesquels l'abeille rôde
Et prend du miel en maraude,

Je pus selon mon plaisir
Les toucher et les choisir
Et m'en repaître à loisir.

Maintenant, sans qu'on m'évince,
Au jardin je suis un prince
Absolu dans sa province.

J'ai droit de vie et de mort
Sur les fruits que sans remords
Ma main palpe et ma dent mord
Extrait -  in Les Caresses (Ed. définitive de 1882)