Il est dans un boudoir aux tentures vivantes
Et, touche sans cesser, de la chair et des yeux.
Tous les objets sont des poitrines languissantes.
Il s'enfonce dans un divan gélatineux.
Il hume à pleins poumons l'odeur des sexes fades
Dont l'écoeurant bouquet obscurcit son cerveau.
Il les voit par milliers dans les miroirs malades,
Il est illuminé par ces flasques flambeaux.
Lourde et belle, une femme avec des dents pourries,
Se penche sur sa bouche et la baise et la mord.
Dans sa salive et son haleine de carie
Elle verse à la fois le désir et la mort.
Elle se colle à lui, le parcourt et le presse
Et lui donne un plaisir plus cruel qu'un tourment.
Elle le serre avec une telle caresse
Que sa sève s'écoule intarissablement.
Il décroît, s'aplatit, se vide comme une outre,
Mais pour renaître avec un corps qui s'est gâté,
Une chair tachetée et par endroits dissoute
Avec des plaques parsemant sa nudité.
On dirait qu'une mouche énorme et verte pompe
Ses cellules et les substances de son sang
Et qu'une tentacule inlassable, une trompe
De bête le dévore et tour à tour le rend.
Plus son désir grandit, plus il se décompose
Dans la sueur d'amour du salon corporel.
Il devient dans l'excès des odeurs et des roses,
Une tombe vivante, un charnier sensuel.
in La montée aux enfers (Ed. E. Fasquelle, 1918)