La langue
Jean-Baptiste Grécourt
Ce n'est point ta charmante bouche
Ni tes lèvres de corail,
Ni tes dents dont l'émail
Si sensuellement me touche ;
C'est ta langue qui fait si bien
Cela, sans quoi l'Amour n'est rien.
Pour mettre le comble à ma flamme,
Je te quitte des beautés
Dont les cœurs sont enchantés :
Que faut-il pour me ravir l'âme ?
C'est ta langue qui fait si bien
Cela, sans quoi l'Amour n'est rien.
D'où vient qu'avec tant d'efficace
Je te parle sans parler,
Regarde sans regarder,
M'agite sans sortir de place ?
C'est ta langue qui fait si bien
Cela, sans quoi l'Amour n'est rien.
Qui seul' toute la nuit peut plaire,
Toute la nuit contenter,
Et pour devise porter :
Plus on fait, plus on le veut faire ?
C'est ta langue qui fait si bien
Cela, sans quoi l'Amour n'est rien.
Quel est le vrai jeu de Cythère,
Ce jeu si rempli d'appas ?
Non, ma Philis, ce n'est pas
Tout ce que pense le Vulgaire.
C'est ta langue qui fait si bien
Cela, sans quoi l'Amour n'est rien.
in Choix de chansons galantes d’autrefois par Paul Marion (Ed. H. Daragon, 1911)