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(...)

Oh ! Que ta bouche est douce à prendre,
A boire, à mordre... Qu'elle est tendre
Avec la mienne ; et quelle extrème
Caresse intime elles se font...
Quoi de plus simple quand on s'aime
Que de fondre ce qui se fond
En un fruit de l'Autre et du Même ?

Que j'adore ce premier don !...
Mais il veut d'autres découvertes,
Je sens te venir l'abandon
De ta chair délicate et dont
Parlent tes cuisses entr'ouvertes...
Oui, je descends par le chemin
De velours jusques vers ma main
Qui fait frémir ce qu'elle touche.
Laisse-moi reprendre à ta bouche
Pour surprendre une autre saveur
Ma langue prête à la ferveur...
Elle a sucé comme une mangue
Longuement ta suave langue,
Mais le temps vient d'un fruit plus doux
Ce rubis d'entre tes bijoux
De mon doigt plus ne se contente...
Ouvre vite... ouvre tes genoux
Ouvre à mon oeuvre, ô palpitante...
Que ma langue vienne chérir
Et de douceur faire périr
Ce que déjà ma lèvre effleure,
Cette grotte où le plaisir pleure.

(...)
© Paul Valéry
extrait - in Corona et Coronilla (éditions de Fallois, 2008) - p. 133-134