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Jésus m’a prise en levrette

Anne Archet
Jésus m’a prise en levrette
Sur la banquette arrière
D’une mini fourgonnette
C’était divin, c’était mystique
Surtout lorsqu’il épongea ma cyprine
Avec sa barbe christique
Puissante et miséricordieuse

J’ai alors épinglé mon numéro
À sa couronne d’épines
« Je te rappelle, bébé »
M’a-t-il dit en remontant son pagne
Ce que le lendemain, oh miracle ! il fit
Prouvant ainsi qu’il est bien
Le fils de l’homme, le Messie

« Hier soir, c’était vraiment bien »
Me susurra-t-il en araméen
« Je craque pour les femmes
Bonnes à lapider
Fétichistes, laveuses de pieds
Adultères et pécheresses
Que fais-tu dimanche, après la messe ? »

Puisque le rédempteur était marié
Le royaume des cieux m’était interdit
Je dus me contenter de sa Windstar
Et du parking de l’église Saint-Elzéar
Où chaque jour du seigneur
La messe fut dite, stigmates aux fesses
Et petites culottes aux chevilles

« Partons avec ta sainte familiale »
Lui suggérai-je un jour, éperdue d’amour
Quitte ta femme, allons à Vegas
Pour qu’un sosie du roi des rois
Célèbre nos noces de Cana
Une bible dans la main et dans l’autre
Un banana-peanut butter sandwich

« Je ne peux abandonner les enfants de dieu »
Me répondit-il en essuyant son auréole
« Ma femme se doute de quelque chose
Elle veut des vacances à Niagara Falls
Un lit de satin en forme de sacré-cœur
Des orgasmes simulés et un buffet de crêpes
Multipliées pour le petit déjeuner »

Après l’avoir apostasié
Crucifiée seule dans mon lit
Privée de son corps de son sang
Livrée à moi-même
En rémission de mes péchés
Je rêve d’un amour miséricordieux
Sans couronne d’épines
© Anne Archet
2015