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De ces vêtements qui me couvrent
Je suis captif et prisonnier
Comme ce roi que dans son Louvre,
Le peuple tenait enfermé.

Dès le matin quand je me lève,
Toutes mes fringues à l'affût
Me guettent au sortir du rêve...
Pas question que je reste nu !

Mes chaussettes à l'odeur sure
Vers moi rampent d'un air fripon
Et le grand cri de ma chaussure
Appelle mon pied pour bâillon.

Montant à l'assaut de mes couilles,
Le slip m'enserre le bassin ;
Le maillot que ma sueur mouille
D'un coup me couvre jusqu'aux reins.

La chemise tombe et dévale,
Comme un linceul fond sur un mort ;
Le pantalon monte et m'avale
La meilleure moitié du corps !

Enfin c'est la veste qui chute
Sur mes épaules et mon dos...
Pour me promener sur la Butte,
Je m'enfouis dans un paletot !

Ainsi vêtu, de ma nature
Nul désormais ne voit plus rien,
Dans ce tas de loques impures,
Sinon le visage et les mains.

Mon visage, ô toi que j'adore,
Pour te chercher d'un air hagard,
Ma bouche pour te dire : encore !
Mes yeux pour capter ton regard.

Et puis (tant pis si ça te vexe !)
Ma main gauche pour t'enlacer,
Ma main droite pour chercher ton sexe
Et mes lèvres pour le baiser.
© Pierre Gripari
in L'enfer de poche, poèmes libertins (Ed. L'Age d'Homme, 1981)