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Enfin j'ai surmonté l'excessive rigueur,
De celle qui tenait mon esprit en langueur !
Grâces à mon destin, je l'ai longtemps tenue
Dans son lit, toute nue.

 

L'aurore n'eut plus tôt amené le beau jour,
Que voulant apaiser le feu de mon amour,
Et donner quelque trêve à ma peine cruelle,
J'allai voir cette belle.

 

Sitôt qu'elle me vit, son aimable pâleur,
Signe d'un feu secret, prit une autre couleur :
Les beaux lys de son teint se changèrent en roses
Nouvellement écloses.

 

Ses beaux yeux languissants me firent croire aussi
Que rien ne l'agitait qu'un amoureux soucis,
Et que dedans sa couche, une cruelle flamme
Brûlait alors son âme.

 

Je m'approche auprès d'elle, et lui dis à l'instant :
Beauté pour qui toujours je veux être constant,
Cessez de m'affliger ! N'êtes-vous point lassée
De ma peine passée ?

 

Depuisque le soleil éclaire dans les cieux,
Il n'a pu voir encor dans l'enclos de ces lieux,
Un amant qui jamais ait eu tant de marthyre,
Sous l'amoureux empire.

 

Alors en me louant de ma ferme amitié,
Et voyant mes ennuis, en eut tant de pitié,
Que malgré la pudeur qui lui couvrait la face,
Honteuse elle m'embrasse.

 

Dafnis, mon cher Dafnis, ce me dit-elle alors,
Seul soulas de mon coeur, je cède à tes efforts !
D'un même mal que toi, je te parle sans feinte,
Ma pauvre âme est atteinte.

 

Ne crois que désormais je résiste à ce dieu,
Doux tyran de nos coeurs, qui commande en tout lieu,
Puisqu'il le veut ainsi, reçois la récompense
De ta persévérance.

 

Conserve seulement mon honneur et ta foi.
Si ton esprit est mien, mon coeur est tout à toi ;
Pour te le témoigner, reçois la récompense
De ta persévérance.

 

Lors, touché d'un désir qui n'a point de pareil,
Je saute dans le lit de ce divin soleil,
Où sans plus différer j'obtins la récompense
De ma persévérance.
in Le Parnasse des poètes satyriques (G. Bourgueil, Ed. Passage du nord/ouest, 2002) - p. 20-21