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(...)

On voit encore une arrière-boutique,
Un lit modeste, une vierge dessus,
Dont les attraits ont dix-huit ans au plus,
Et qu'assoupit un sommeil angélique.
Il faisait chaud ; cette vierge en dormant
A dérangé l'utile vêtement
Qui la couvrait ; la robe se replie,
Et laisse voir ce qu'on ne vit jamais ;
Sa jambe nue et sa cuisse arrondie,
En s'écartant semblent chercher le frais.
Un beau pigeon, au plumage d'albâtre,
Du ciel alors descend sur le théâtre.
Son rouge bec et ses pattes d'azur,
De son gosier le timbre clair et pur,
Son auréole et surtout ses manières,
Le distinguaient des pigeons ordinaires.
Sur la dormeuse il plane galamment,
S'abat ensuite, et léger il se pose
Juste à l'endroit délicat et charmant
Où des amours s'ouvre à peine la rose.
De son plumage il le couvre un moment,
Ses petits pieds avec adresse agissent,
Son joli bec l'effleure doucement,
Et de plaisir ses deux ailes frémissent.
Auriez-vous cru, messieurs, que d'un pigeon
Il pût jamais résulter un mouton ?
Dit le papa d'un air grave et capable.
En nous, chez nous, tout doit être incroyable.
On croit pourtant, et voilà ce qu'il faut.
J'aime à l'excès les énigmes sans mot.

(...)

Extrait - 1799 -  in La guerre des Dieux (Ed. Debray, 1808 -  p. 42-44)