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"Que n'attribuez-vous à l'excès de mon zèle 
Un crime dont j'aurais plus aisément pardon ? 
Connaissez mieux votre pouvoir, ma belle : 
Je mets entre vos mains mon âme à l'abandon." 
    Pendant quelque temps ils se turent. 
Et leurs cœurs, à leur tour, dans leurs divins accès,
    S'entretinrent avec excès 
    De certaines douceurs qui durent 
    Ou du moins qui doivent durer 
    Autant que la nature même, 
    Ou jusqu'à ce que la mort blême 
Ait le pouvoir de nous en séparer.
    Déjà par deux fois revenue 
    De l'enthousiasme amoureux, 
    Amarante formait des vœux 
    Pour une troisième venue. 
    Elle y conviait Céladon 
    D'une aimable et tendre façon, 
Par des soupirs tout remplis de tendresse ; 
    Ses bras qu'elle lie à son cou 
Semblaient lui dire : " Encore un coup, 
    Encore un petit coup de fesse ! " 
    Céladon était énervé, 
Et voulait s'arracher des bras de sa maîtresse, 
    Mais quand il eut un peu rêvé, 
    Il trouva l'action tigresse,
    Et rappelant de sa vivacité 
    La défaillante pécheresse, 
Il lui donna le petit coup de fesse 
    Dont elle avait nécessité.

in Le rut ou la pudeur éteinte (1676)

p. 33-34 de l'édition Civilisation nouvelle de 1970 "Le Zombi du grand Pérou et autres oeuvres érotiques"