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Ces grands cons, dont vous faites fête

Charles T. Sigogne Beauxoncles

 

 

Ces grands cons, dont vous faites fête,
Qui ont oreille et double crête,
Ne me viennent point à plaisir ;
J'aime ces cons de fine serge (1),
Qui s'étendent quand on les charge,
Comme un gant qu'on donne à choisir.

Ces cons, si larges d'ouverture,
Mettent un vit en sépulture
Comme un corps en son monument,
J'aimerais mieux être hérétique
Que chevaucher un con étique (2),
Non plus qu'une vieille jument.

Dans un petit con de jeunesse,
Qui n'entend ruse ni finesse,
Jamais je ne vais pas à pas;
Je n'ai à faire aucun partage :
Je laboure tout l'héritage,
Encor ne me suffit-il pas !

Si l'on dit que le Roi de Perse
L'hiver et l'été ne s'exerce
Toujours en semblable maison,
Je dis que ce n'est pas de même
De ces grands cons à diadème
Qui sont chauds en toute saison.

Fi de ces cons à toutes celles,
Qu'on divise en tant de parcelles,
Où l'on ne voit jour ni clarté !
Je crois qu'en pareille machine
Un petit vit à faible échine
Se trouverait bien écarté !

Je n'aime point ces grands fendasses (3)
Qui sont faites comme besaces
Qu'on peut remplir des deux côtés :
Volontiers le malheur assemble
Le con et le cul tout ensemble
Quand les entredeux sont ôtés.

Je hais ces masses infectées,
Toujours d'un égout humectées,
Où tout ce qu'on jète se fond ;
Je hais ces baveuses cloaques,
Où les gros boudons de St Jacques
Ne trouvent ni rive ni fond.

Toujours, ces puantes cavernes
Ont assez de fausses poternes
Qui n'ont ni route ni sentier ;
Il m'est avis que mon vit entre,
Tout debout, en un large centre,
Comme un pilon dans un mortier.

Ne me parlez pas de vos voisines
Qui, dans leurs cons, ont des cuisines,
Des chambres et des cabinets :
Ce sont écuries, ou sale,
Ou jeu de paume, où lieux plus sales,
Dont les trous ne sont jamais nets.

Ces petits cons à grosse motte
Sur qui le poil encor ne flotte
Sont bien de plus friands boucons (4) !
Le monde s'en irait grand erre (5),
Si j'étais tout seul sur la terre,
Et qu'il n'y eu que de grands cons !

 


(1) fine étoffe de laine
(2) d'une maigreur extrême, maladive
(3) sexe féminin
(4) morceaux empoisonnés
(5) à grande allure

 

cité in Le Cabinet satyrique de Jean Fort (1618 - Rééd. Fleuret-Perceau, 1924, tome 1)

NB : ces stances ont leur pendant chez Motin