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J'adore la langueur de ta lèvre charnelle
Où persiste le pli des baisers d'autrefois.
Ta démarche ensorcelle,
Et la perversité calme de ta prunelle
A pris au ciel du nord ses bleus traîtres et froid.

Tes cheveux, répandus ainsi qu'une fumée
Clairement vaporeux, presque immatériels
Semblent, Ô Bien-Aimée,
Recéler les rayons d'une lune embaumée
D'une lune d'hiver dans le cristal des ciels.

Le soir voluptueux a des moiteurs d'alcôve ;
Les astres sont comme des regards sensuels
Dans l'éther d'un gris mauve,
Et je vois s'allonger inquiétant et fauve,
Le lumineux reflet de tes ongles cruels.

Sous ta robe, qui glisse en un frôlement d'aile
Je devine ton corps, les lys ardents des seins,
L'or blême de l'aisselle,
Les flancs doux et fleuris, les jambes d'Immortelle
Le velouté du ventre et la rondeur des reins.

La terre s'alanguit, énervée, et la brise,
Chaude encore des lits lointains, vient assouplir
La mer enfin soumise...
Voici la nuit d'amour depuis longtemps promise...
Dans l'ombre je te vois divinement pâlir.
© Renée Vivien
in Études et préludes (1901)