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Un doigt plus doux que plume sur la harpe
Se joue à fuir sur la fleur de ta chair
Et cette main souple comme une écharpe
Flatte et polit ce qu'elle a de plus cher.

Je vous caresse, ô raisons d'existence,
Parages purs, bords suaves qui sont
Ma terre tiède et d'exquise substance
Terre promise aux fleuves du frisson

Terre sensible où frémit ce grand Arbre
De l'âme offerte au tendre enchaînement
Du long baiser sur tes plages de marbre
Qui suit le fil de ton enchantement

Arbre de vie aux racines sans nombre
Qui te sens croître et tout épanouir
Quand vient la lèvre aux approches de l'ombre
Et dans ta fleur l'abeille s'enfouir...

Laisse longtemps que boive cette abeille
De qui l'ivresse ouvre ton paradis
Et te fait toute une heureuse merveille
Me murmurant tout ce que je te dis.

Brille à présent, Sourire, ô récompense
De cet insecte ivre de tant de miel,
Insecte étrange... Une abeille qui pense
Mais surtout pense à ton troisième ciel.

 

(...)

© Paul Valéry
extrait - in Corona et Coronilla (éditions de Fallois, 2008) - p. 122