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Enfin leurs membres s'enlacent...

Lucrèce
(...) Enfin leurs membres s'enlacent, enfin ils jouissent de leur florissante jeunesse, et voici que le corps pressent l'imminence du plaisir : oui, Vénus va ensemencer le champ de la femme, et ils étreignent avidement leurs corps, ils mêlent la salive de leurs bouches, ils aspirent l'air sur ces lèvres où ils écrasent leurs dents.

En vain : de ce corps, ils ne peuvent rien arracher, aucune parcelle, et leur corps, ils ne peuvent l'enfoncer tout entier dans un autre corps, ils ne peuvent l'abîmer en lui.

Enfin, quand les nerfs ne peuvent plus contenir le désir qui les tend, quand ce désir explose, il se fait un répit ; un court moment, la violence de l'ardeur se calme.

Et puis c'est le retour de la même rage, de la même frénésie !

Le véritable objet de leur désir, ils le cherchent encore, sans le trouver, incapables de découvrir le moyen de vaincre le mal : aveugles, âgés, ils se consument, rongés d'une invisible et profonde blessure.