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Une superbe chanoinesse
Portait, dans ses sourcils altiers,
L'orgueil de tente-deux quartiers.
Un jour, au sortir de la messe,
En présence de l'Eternel,
En face de tout Israël,
Tandis qu'elle fendait la presse,
Et s'avançait le nez au vent,
Un faux pas fit choir la déesse,
Jambes en l'air et front en avant.
Cette chute fut si traîtresse,
Qu'en dépit de tous ses aïeux,
Qui voulut, vit de ses deux yeux
Le premier point de sa noblesse ;
Car, on ne peut nier cela,
Toute noblesse vient de là :
Ce point en valait bien la peine ;
L'ivoire, le rubis, l'ébène,
N'ont rien de plus éblouissant :
Elle avait raison d'être vaine.
Le beau chevalier qui la mène,
Noble et timide adolescent,
La relevait en rougissant,
Et recouvrait d'un air décent,
Mais plein de feu, mais plein de grâce,
Sa pudeur prise au dépourvu.
Ah ! monsieur, dit-elle à voix basse,
Monsieur, ces bourgeois l'ont-il vu ?
Cité in La poésie érotique (Marcel Béalu, Ed. Seghers, 1974 - p.188)