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Dans de riches appartemens,
On a vingt meubles différents,
Un seul m’est nécessaire.
Mieux qu’avec un sopha doré,
Mon petit réduit est paré
D’une simple bergère.

L’étoffe en est de blanc satin ;
Elle a de la fleur du matin,
La fraîcheur printanière.
Le lustre en est aussi parfait
Que le jour même que j’ai fait
L’essai de ma bergère.

Dans ses contours bien arrondis,
Entre deux coussins rebondis,
Mon bonheur se resserre ;
J’aime à m’y sentir à l’étroit,
Et chaudement, quand il fait froid,
Je suis dans ma bergère.

Le jour, la nuit sans embarras,
Joyeux, je goûte dans ses bras
Un repos salutaire ;
Avec délice je m’étends :
Ah ! quel plaisir quand je me sens
Au fond de ma bergère !

Je n’en sors qu’avec des regrets ;
Souvent j’y rentre, et j’y voudrais
Rester ma vie entière.
Je lui sais plus d'un amateur,
Mais c’est moi seul qui, par bonheur,
Me sers de ma bergère.
in Œuvres complètes de Boufflers (Ed. Furne - 1827) Tome 1 - p.138-139