Pierre Gripari (1925-1990), qui se disait « fils d'une sorcière viking et d'un magicien grec », est surtout connu comme écrivain pour enfants (il signe notamment les Contes de la rue Broca - 1967), mais parfois aussi pour son humour provocateur et ses prises de position politique qui le firent devenir infréquentable aux yeux des médias généralistes.

Moins connu est son recueil L'enfer de poche, poèmes libertins, paru en 1981 aux éditions L'Age d'Homme. Ce qu'il en dit, en introduction, permet de comprendre son rapport à l'écriture et à l'érotisme :

"Toute création est jeu, dans le double sens de ce mot : amusement et risque. (...) Quel écrivain ne joue pas au dieu ? (...)
Cette fois-ci, je me suis réveillé en me disant :
- Tiens ! Et si j'écrivais des poèmes de cul ?
Le jeu, toujours, dans les deux sens du mot. Amusement, d'abord, ça va de soi. Rien n'est plus drôle que le vers, la rime, la strophe, le calembour, ou encore la parodie, quand ils débouchent sur l'obscène. Et puis le risque aussi. Rien n'est plus dangereux, casse-gueule et discutable que le genre libertin. (...)
Sitôt qu'un écrivain prétend vous faire bander, il vous endort. Ce qui sauve le porno, en littérature, c'est la fraîcheur du sentiment, ou bien l'intense rigolade. Le genre gourmand, naîf, ou le genre corps de garde.(...)
J'ai voulu être facile plutôt qu'ennuyeux, mirlitonesque plutôt que pédant, et queutard plutôt qu'érotique. Je préfère, comme le roi Pausole, le nu au transparent, l'obscène au doucereux, le grossier au vulgaire.
Un mot encore : je suis homosexuel. Il n'y a pas de quoi se frapper la poitrine, il n'y a pas non plus de quoi pavoiser. (...) Je ne plaide pour rien, pour personne, sinon pour la franche gaïté, contre toute espèce de puritanisme."

Si le parti pris des 69 poèmes qui composent ce receuil est bien l'amusement, souvent provocateur, et l'on s'en réjouira sans doute, un érotisme plus profond se dégage aussi de certains poèmes, comme par exemple Haikaï II et Le bel arabe, notamment donnés à lire ici.